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Qui parle?

Bien sûr, les mots de l'écrivain lui appartiennent. mais les propos qu'il tient ne sont pas forcément les siens!
C'est le privilège de l'auteur que de pouvoir donner la parole à des personnages, leur faire tenir les propos qu'il veut, voire même les propos d'un autre personnage, il peut même laisse raconter l'histoire par un tiers très particulier: le narrateur...
Il est possible, et même fréquent, que l'auteur se présente, sincèrement ou pas, comme le narrateur. Comme il est possible que le narrateur soit un personnage de l'histoire.
Tout est possible... et source de confusions. Elles sont fréquentes chez l'auteur débutant, comme celle de mettre dans la bouche d'un de ses personnages des mots, un phrasé, un style que, selon toute vraisemblance, il ne peut pas tenir: un enfant ne parle pas comme un agrégé de lettres...

La première précaution que l'auteur doit donc prendre à tout instant de son récit est de se rappeler qui parle, c'est à dire, en première approximation:.
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♦ un personnage de l'histoire.....................

« — Tonton Gabriel, s’écria Zazie, je te jure que c’est hà moi les bloudjinnzes. Faut mdéfendre, tonton Gabriel. Faut mdéfendre. Qu’est-ce qu’elle dira ma moman si elle apprenait que tu me laisses insulter par un galapiat, un gougnafier et peut-être même un conducteur du dimanche.
— Merde, ajouta-t-elle pour son compte avec sa petite voix intérieure, chsuis aussi bonne que Michèle Morgan dans La Dame aux camélias. »
Raymond Queneau, "Zazie Dans Le Métro", 1959


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♦ le narrateur (celui qui raconte l'histoire)..................

«Quand j'avais six ou sept ans, j'ai été volée. Je ne m'en souviens pas vraiment, car j'étais trop jeune, et tout ce que j'ai vécu ensuite a effacé ce souvenir. C'est plutôt comme un rêve, un cau-chemar lointain, terrible, qui revient certaines nuits, qui me trouble même dans le jour. Il y a cette rue blanche de soleil, poussiéreuse et vide, le ciel bleu, le cri déchirant d'un oiseau noir, et tout à coup des mains d'homme qui me jettent au fond d'un grand sac, et j'étouffe. C'est Lalla Asma qui m'a achetée. »
J.M.G. Le Clezio, Poisson d'or, 1997


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♦ ou l'auteur (celui qui écrit l'histoire).....................

« Je forme une entreprise qui n'eut jamais d'exemple, et dont l'exécution n'aura point d'imitateur.
Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature; et cet homme, ce sera moi.
Moi seul. Je sens mon cœur, et je connais les hommes. Je ne suis fait comme aucun de ceux que j'ai vus; j'ose croire n'être fait comme aucun de ceux qui existent. Si je ne vaux pas mieux, au moins je suis autre. Si la nature a bien ou mal fait de briser le moule dans lequel elle m'a jeté, c'est ce dont on ne peut juger qu'après m'avoir lu. Que la trompette du jugement dernier sonne quand elle voudra, je viendrai, ce livre à la main, me présenter devant le souverain juge. Je dirai hautement: Voilà ce que j'ai fait, ce que j'ai pensé, ce que je fus. »
Jean-Jacques Rousseau, "Les Confessions", 1782



Dans l'exemple précédent, l'auteur indique ouvertement qu'il est le narrateur mais, en général, il se fait oublier par le lecteur. On décèle alors sa présence à ses super-pouvoirs: il est le seul à pouvoir regarder dans le passé, faire un saut dans le futur, il peut dire ce que pense, craint ou imagine un personnage,
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et même ce qu'il sait inconsciemment...

« Certes, le désir de posséder à lui seul sa maîtresse était entré pour beaucoup dans la pensée de son crime, mais il avait été conduit au meurtre peut-être plus encore par l’espérance de se mettre à la place de Camille, de se faire soigner toutes les heures ; si la passion seule l’eût poussé, il n’aurait pas montré tant de lâcheté, tant de prudence ; la vérité était qu’il avait cherché à assurer, par un assassinat, le calme et l’oisiveté de sa vie, le contentement durable de ses appétits. Toutes ces pensées, avouées ou inconscientes, lui revenaient. »
Emile Zola, "Thérèse Raquin", 1867


Il peut aussi préférer rester dans l'ombre (comme c'est le cas de certaines écoles littéraires).

Même dans le cas où le narrateur est un des personnages (par exemple quand il s'implique à la première personne dans l'action qu'il décrit.) il arrive que l'auteur transparaisse, volontairement  (il reprend alors son rôle de narrateur pour éclairer le lecteur) ou pas (en tenant un propos que le personnage qu'il joue ne peut pas connaître).
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Ceci dit, il pourra facilement se justifier..........

"Il nous était impossible, alors, de comprendre ces choses, mais je devais, plus tard, apprendre la signification de ces sinistres kopjes qui s’amoncelaient dans le crépuscule. Chacun des Martiens, placé ainsi que je l’ai indiqué et obéissant à quelque signal inconnu, avait déchargé, au moyen du tube en forme de canon qu’il portait, une sorte d’immense obus sur tout taillis, coteau ou groupe de maisons, sur tout autre possible abri à canons, qui se trouvait en face de lui."
H.G.Wells, "La guerre des Mondes", 1898


C'est un art subtil que de savoir jouer de ces rôles.

Exercices
♦ Vous êtes commissaire de police. Vous écoutez trois témoignages d'un même événement (un cycliste japonais s'est écrasé sur la portière de la Rolls's de la Comtesse de Paris): celui du chauffeur, celui de la comtesse et celui du cycliste. Vous avez votre propre opinion.
♦ Vous avez dix ans et votre maman vous a grondé. Vous avez trente ans et vous grondez votre enfant pour la même bêtise.


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