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Filer

Filer un propos est cette technique qui consiste à développer un sujet en en reprenant tout ou partie du propos.
Dans sa version la plus simple, l'exercice est connu des enfants. Ça commence par chapeau de paille, et on tire le fil: paillasson, somnambule, bulletin, tintamarre...
En littérature la méthode est plus savante, moins mécanique mais le principe est le même: on reprend ce qu'on vient de dire pour le préciser, le compléter, voire préparer la phrase suivante. A la lecture, on a le sentiment merveilleux de suivre un fil, tel Ariane, que l'auteur a laissé dans le labyrinthe de sa pensée.

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♦ On peut filer l'action...

"Un soir, j'étais allée dans un restaurant du bord de mer, avec Houriya et ses amis. On avait roulé longtemps dans la nuit, jusqu'à une grande plage vide. J'étais à l'arrière de la Mercedes, contre la portière, et Houriya au milieu, avec un homme. Il y avait aussi deux hommes à l'avant, et une femme blonde. Ils parlaient fort, une langue que je ne comprenais pas, j'ai pensé que ça devait être du russe. Je me souviens bien de l'homme qui conduisait, grand et fort comme Abel, avec beaucoup de cheveux et une barbe noire. Je me souviens aussi qu'il avait un oeil bleu et un oeil noir. Nous sommes restés un bon moment au restaurant, il devait être près de minuit. C'était un restaurant luxueux, avec des sortes de flambeaux qui éclairaient le sable de la plage, et les garçons en costume blanc. J'ai passé la soirée à regarder la mer noire, les lumières des bateaux de pêche qui rentraient et l'éclat d'un phare au loin."
J.M.G. Le Clézio, "Poisson d'or", 1998


" Dans le foyer,on a trouvé des mèches de cheveux, – des mèches très épaisses de cheveux gris. Ils ont été arrachés avec leurs racines. Vous savez quelle puissante force il faut pour arracher seulement de la tête vingt ou trente cheveux à la fois. Vous avez vu les mèches en question aussi bien que moi. À leurs racines grumelées – affreux spectacle ! – adhéraient des fragments de cuir chevelu, – preuve certaine de la prodigieuse puissance qu’il a fallu déployer pour déraciner peut-être cinq cent mille cheveux d’un seul coup."
E.A.Poe, "Double assassinat dans la rue Morgue", 1841


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♦ On peut filer un personnage...

" Cependant, le ménage vivait très heureux, au milieu des bavardages, des histoires qui couraient sur les complaisances du mari et sur les amants de la femme : pas une dette, deux fois de la viande par semaine, une maison si nettement tenue, qu’on se serait miré dans les casseroles. Pour surcroît de chance, grâce à des protections, la Compagnie l’avait autorisée à vendre des bonbons et des biscuits, dont elle étalait les bocaux sur deux planches, derrière les vitres de la fenêtre. C’étaient six ou sept sous de gain par jour, quelquefois douze le dimanche. "
Emile Zola, "Germinal", 1884


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♦ On peut filer une réflexion...

" Ce qui est plus original dans notre ville est la difficulté qu’on peut y trouver à mourir. Difficulté, d’ailleurs, n’est pas le bon mot et il serait plus juste de parler d’inconfort. Ce n’est jamais agréable d’être malade, mais il y a des villes et des pays qui vous soutiennent dans la maladie, où l’on peut, en quelque sorte, se laisser aller. Un malade a besoin de douceur, il aime à s’appuyer sur quelque chose, c’est bien naturel. Mais à Oran, les excès du climat, l’importance des affaires qu’on y traite, l’insignifiance du décor, la rapidité du crépuscule et la qualité des plaisirs, tout demande la bonne santé. Un malade s’y trouve bien seul. Qu’on pense alors à celui qui va mourir, pris au piège derrière des centaines de murs crépitants de chaleur, pendant qu’à la même minute, toute une population, au téléphone ou dans les cafés, parle de traites, de connaissements et d’escompte. On comprendra ce qu’il peut y avoir d’inconfortable dans la mort, même moderne, lorsqu’elle survient ainsi dans un lieu sec. »
Albert Camus, "La Peste", 1947


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♦ On peut filer une métaphore...

" Ma jeunesse ne fut qu’un ténébreux orage,
Traversé çà et là par de brillants soleils;
Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage,
Qu’il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils.

Voilà que j’ai touché l’automne des idées,
Et qu’il faut employer la pelle et les râteaux
Pour rassembler à neuf les terres inondées,
Où l’eau creuse des trous grands comme des tombeaux.
(...)"
C.Baudelaire, "L'ennemi" in "Les fleurs du mal", 1857



Filez, à votre façon, ces phrases de Alessandro Barrico ("La soie", 1997):
♦ Hervé Joncour sortit de sa maison et se mit à errer à travers le village.
♦ On en était au dessert, quand Hervé Joncour leva les yeux vers Hélène.
♦ Dans les journées où la chaleur se faisait plus clémente, ils louaient un fiacre.

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